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Philosophes

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De Jésus de Nazareth à Jésus-Christ - 2e partie : La vie véritable de Jésus de Nazareth

Dialogue avec André Sauge

De Jésus de Nazareth à Jésus-Christ - 2e partie : La vie véritable de Jésus de Nazareth

Illustration : Nelly Damas pour Foliosophy

MCS : Dans notre premier billet, vous développiez, André, votre hypothèse d’un Jésus-Christ comme personnage fictif fabriqué par et pour le pouvoir sacerdotal à partir d’écrits relatifs à un sage ayant véritablement existé, Jésus de Nazareth.  Vous y expliquiez également votre méthode qui a consisté à extraire de l’Evangile de Luc les parties traduites en grec de la koinè par Silas à partir des textes en araméen écrits par Marc (Actes de Paul) et Matthieu (Paroles de Jésus de Nazareth). Je vous propose de passer maintenant à la vie de Jésus de Nazareth. Que sait-on de lui en amont de la légende forgée par les Evangiles ?

AS : Au terme de ce premier parcours, il me paraît en effet possible de répondre à cette question en ayant à l’esprit ce que Papias nous apprend : qu’est-ce que les notes prises par Matthieu et par Marc nous permettent de savoir sur Jésus ? 

Opérons d’abord une distinction pour simplifier les références. Silas étant l’auteur de la traduction en grec standard des notes prises en araméen, désormais quand j’écrirai « dans Silas », cela signifiera « dans le texte en grec de la koinè des actes (Marc) et paroles (Matthieu), extrait de l’Evangile de Luc », et quand j’écrirai en italiques « dans Matthieu », « dans Marc », « dans Luc », cela signifiera « dans l’Evangile de Matthieu », etc., des textes écrits disons, entre 100 et 110.  

Jésus de Nazareth, enfant de père inconnu

Et donc, dans Silas, jamais Jésus n’est dit purement et simplement « fils de Joseph » ; il est appelé « Jésus le Nazaréen » (deux fois, si je me souviens bien). Au moment de l’introduire comme personnage du récit, en rapport avec l’emprisonnement de Jean-Baptiste, Silas écrit (3, 23) : « Et Jésus lui-même en était au commencement (de sa carrière publique) ; il avait environ trente ans, lui qui était considéré (enomizeto) comme le fils de Joseph ». Il faudrait traduire : « lui dont c’était l’usage / l’habitude de le tenir pour le fils de Joseph ». On soupçonnait, ou on savait, que Joseph n’était pas son père naturel. Les récits merveilleux de sa naissance, racontés par Matthieu et par Luc, s’expliquent aussi par le fait que Jésus était né de père inconnu. Disons-le sans ambages : il était un bâtard. Sa mère, de famille sacerdotale1, l’a conçu avant mariage ; c’est pourquoi, elle n’a pu, ensuite, épouser le fils d’une famille sacerdotale. Mais elle appartenait à une famille assez importante pour pouvoir épouser un homme de la tribu de Juda, autrefois de l’aristocratie militaire dans laquelle étaient recrutés les rois. Le grand-père maternel appartenait à la caste sacerdotale, il était un cohen et il est probable que cela ait joué un rôle décisif sur le destin de Jésus : l’enfant n’a pas été abandonné ni jeté dans un barathre2 comme le permettait l’usage. Les enfants bâtards du peuple soit ne survivaient pas, soit menaient une existence misérable.

Disons-le sans ambages : Jésus de Nazareth était un bâtard

Je pense que les grands-parents ont pris en charge la petite enfance de celui qu’ils ont nommé « Dieu sauve » !3 La lecture qu’il a faite dans la synagogue de Nazareth nous permet d’inférer qu’il a reçu l’éducation d’un cohen, d’un lettré ; il pouvait lire et interpréter – ce que seuls pouvaient faire ceux qui étaient allés suffisamment longtemps à l’école d’un rabbi – la Torah ou les Prophètes. Il n’a pu se mettre à l’école d’un maître que grâce à l’appui d’une famille suffisamment fortunée, le plus probablement, donc, les grands-parents maternels. Certes Joseph, le futur mari de sa mère, n’a pas rejeté l’enfant - qui a sans doute rejoint ses demi-frères et demi-sœurs au sortir de la petite enfance, pour la période de l’enfance, entre sept et douze ans – Il a assuré une éducation de lettré à son fils aîné, mais il est improbable qu’il ait assuré en même temps celle d’un enfant qui n’était pas le sien. 

Par Silas et par Jean, nous apprenons que Jésus, adulte, détenait un domaine privé au nord du lac de Tibériade, près de Bethsaïde. Supposons, encore une fois, qu’il a hérité ce domaine de ses grands-parents maternels, et que ce sont eux qui ont assuré une éducation qui a fait de lui un rabbi, un maître de sagesse. 

Dans « Luc » (2, 41 sqq.), nous apprenons qu’à environ 12 ans, Jésus, à l’occasion d’un pèlerinage de pâque, était resté à Jérusalem à l’insu de ses parents, qui, au bout de trois jours, l’ont retrouvé dans le temple, assis au milieu de « maîtres » (rabbis), époustouflés par ses connaissances et l’intelligence de ses réponses. Seul « Luc » raconte cet épisode ; il a donc été inséré à l’intérieur d’un texte qui est celui de l’enseignement d’un rabbi, d’un Jésus en habit de rabbi. Il n’est pas abusif de considérer que ce récit de « Luc » est, sur Jésus, le témoignage d’une tradition qui rapportait qu’il avait vécu à Jérusalem, loin de sa mère, plusieurs années, à l’école d’un rabbi, par hypothèse, thérapeute, peut-être hellénophone, du moins connaissant assez bien le grec, lisant la Torah dans le texte de la Septante plutôt qu’en hébreu. Il nous faut penser un Jésus bilingue ; s’il a enseigné en araméen, c’est pour être entendu du peuple, parlant en majorité l’araméen. Mais son enseignement comporte des notions empruntées au grec, comprises de l’intérieur de la langue grecque et non selon le sens que la Septante leur a donné. 

Il nous faut penser un Jésus bilingue

A partir de douze ans, peut-être, il est allé à l’école d’un rabbi, dont il était le mathêtês, le disciple, celui qui s’imprégnait non seulement de ses connaissances mais aussi d’un style de vie et de sa compréhension du monde. Nous prenons connaissance des résultats de son éducation lorsqu’il avait « environ trente ans » et qu’il a commencé sa vie « professionnelle », invité « à prêcher » le peuple dans les synagogues du Nord du lac de Tibériade, de sa rive-ouest, à portée de barque de son domaine de Trachonitide, gouverné par Philippe, un fils d’Hérode le Grand, qui vivait des revenus d’un sanctuaire de Pan près des sources du Jourdain, loin des tracasseries de la Loi de Moïse. 

Or il semble que Jésus avait horreur de prêcher. Le contraire me chagrinerait. Très vite est venue sa rupture avec la synagogue…

La dernière fois que Jésus de Nazareth est entré dans une synagogue

A la façon dont Silas a construit le début du récit de la vie publique de Jésus de Nazareth, il nous laisse entendre que Jésus n’avait accepté de faire et d’expliquer une lecture dans une synagogue, en l’occurrence celle où habitait sa mère et ses autres enfants, celle de Nazareth, que pour inviter à en sortir (Luc, 4, 16-30). A Nazareth, lorsqu’il découvre l’hostilité de l’assemblée au salut qu’il lui propose…

MCS : … un salut tout terrestre, un salut qui est libération de la loi de Moïse, un salut qui annonce une nouvelle façon de vivre, pas le salut dans un au-delà comme nos leçons de catéchisme nous l’ont laissé entendre ou comme certains évangélistes contemporains le professent... Vous le dites dans une note de L’Enseignement de Jésus : le règne de Dieu ne renvoie pas à l’au-delà ni à l’instauration du Royaume à la fin des temps, mais au présent. Le “règne de Dieu” définit un art de vivre en société, une organisation des rapports humains sans domination, ni des hommes entre eux, ni de Dieu sur les hommes.”4

AS : Oui, c’est tout à fait ça. Nous y reviendrons. Lorsque Jésus, donc, prend conscience de l’hostilité de l’assemblée, il réagit d’abord en formulant une hypothèse sur ce que l’assemblée pense : « Vous me direz : ‘Médecin ! Soigne-toi toi-même ! Tout ce que tu as fait à Capharnaüm, fais-le ici aussi, dans ta patrie. » Ce qui nous importe dans le propos, pour l’instant, c’est qu’il nous renvoie à un événement qui a précédé et qui a eu lieu à Capharnaüm, que Silas raconte à la suite de l’épisode de Nazareth, après lequel Jésus n’entrera plus dans une synagogue. L’intention du narrateur était claire : je veux que le lecteur comprenne que Jésus a commencé sa carrière publique de rabbi en rompant avec la synagogue, ce qui veut dire avec la pratique des lettrés – les cohanim, les sacrificateurs et les sages, les rabbis de la mouvance pharisienne. Il parlera dans l’ouvert du monde ; il s’adressera à toutes les couches de la population judaïque, et si des païens, ou si des femmes, ou si des esclaves viennent pour l’entendre, tant mieux ! Il a refusé de constituer un cercle restreint de disciples à qui il aurait donné un enseignement ésotérique, élitiste, réservé à un groupe de jeunes, qui lui auraient procuré ses ressources pour vivre dans l’aisance, dont il aurait fait ses adeptes, il a d’emblée refusé un comportement de lettré, refusé de considérer qu’on ne pouvait pas donner des pierres précieuses à des pourceaux : il ne serait pas le porte-parole d’un dieu retiré, à la façon d’un despote, nécessairement paranoïaque en raison de sa position en retrait de tous, dans le plus secret cabinet de l’univers. 

Je veux que le lecteur comprenne que Jésus a commencé sa carrière publique de rabbi en rompant avec la synagogue, ce qui veut dire avec la pratique des lettrés.

En vérité, c’est dans la synagogue de Capharnaüm qu’il avait pris conscience de la nécessité de parler à tous. J’imagine facilement qu’au terme de sa formation auprès d’un rabbi thérapeute, après quelques années d’incertitude, il était devenu certain d’une seule chose, à savoir qu’il ne se ferait pas le complice des sacrificateurs du temple, dont sa bâtardise l’avait détaché. Il ne se contenterait pas d’errer dans la Palestine entre Jérusalem et le lac de Tibériade, le long du Jourdain où il avait rencontré Jean, celui qui plongeait ceux qui venaient à lui dans les eaux de la rivière, à la sortie du lac, afin de les purifier, c’est-à-dire afin de les dispenser d’obéir scrupuleusement aux commandements de la Thorah. Jésus s’était contenté de faire halte auprès du baptiseur parce que ce cousin lui était certes sympathique, animé de la même aspiration que lui, c’est-à-dire soulager le peuple du fardeau de la Loi d’Alliance, mais il restait toutefois prisonnier d’une pratique rituelle qui pouvait donner l’illusion qu’il suffisait d’un peu de magie pour se débarrasser des fardeaux de la vie.

Aux yeux de Jésus de Nazareth, Jean le Baptiseur restait prisonnier d’une pratique rituelle qui pouvait donner l’illusion qu’il suffisait d’un peu de magie pour se débarrasser des fardeaux de la vie.

Au terme de sa formation donc, revenu dans son domaine de Bethsaïde d’où il apercevait la rive droite du lac de Tibériade, Jésus avait décidé de s’installer dans le bourg de Capharnaüm, où existait une synagogue. Il avait probablement été invité à y faire la lecture un premier, puis un second sabbat.  Et pendant les jours de désœuvrement, il soignait les maux ordinaires de ceux et celles qui venaient le consulter. Le troisième sabbat, alors qu’il allait commencer la lecture, un homme s’est approché de lui. Aussitôt, tout le monde l’a reconnu : c’était le possédé d’un démon qui le contraignait, de manière inopinée, à éjaculer des phrases qu’il crachotait, comme une mauvaise toux qui lui arrachait la gorge. Il s’est arrêté non loin de Jésus et a crié, d’une voix désagréable de crécelle : « Eh ! Qu’y a-t-il de commun entre toi et nous, Jésus de Nazareth ? Tu es venu jusque-là pour nous perdre ! Je vois bien qui tu es, l’intouchable (hagios) de Dieu ! » Aussitôt Jésus, d’un geste et d’un regard, l’a arrêté et a déclaré : « Sois muselé », a-t-dit pour le guérir de ses envies d’aboyer. Il en fut comme si le démon alors était sorti de l’homme en le jetant contre le sol, au milieu de l’assemblée ; l’homme n’eut pas d’autre mal à subir. Evidemment, on imagine la stupeur au sein de l’assistance. Jésus aussitôt comprit : il venait de s’éjecter lui-même de la synagogue : le démon dans la synagogue, c’était lui. Le possédé avait en effet compris que lui, Jésus, n’avait rien à faire en ce lieu ; que sa présence créait dans toute l’assemblée un malaise en raison d’une secrète interrogation : « Mais ! Que faisons-nous là ? » Un « intouchable » de Dieu s’est dit Jésus, ce n’est pas un saint, un « pur » qu’il est interdit de toucher, c’est un homme qui rend Dieu intouchable, qui fait prendre conscience que les parages de Dieu, ceux que l’on prétend maîtriser à l’intérieur d’un espace qui lui est consacré, en vérité transforment tout usage de la parole, dans cet espace, en grincement, en discours tentant en vain de tenir ensemble des termes contradictoires. Il a compris alors qu’il lui fallait libérer sa propre parole et que, pour cela, il lui fallait sortir de la synagogue. Seul ? Non ! Il lui fallait inviter tous les êtres humains à en sortir. Il avait été invité à faire la lecture à Nazareth le sabbat suivant. Aurait-il donc l’audace d’inviter sa propre famille et ses concitoyens à sortir du confort que leur offrait une loi si perverse qu’elle leur faisait éprouver cette jouissance qu’on éprouve lorsqu’on a le sentiment d’avoir trouvé un refuge à l’ombre même du despote qui vous écrase ?

Jésus aussitôt comprit : il venait de s’éjecter lui-même de la synagogue : le démon dans la synagogue, c’était lui. Le possédé avait en effet compris que lui, Jésus, n’avait rien à faire en ce lieu.

Scandale dans la synagogue de Nazareth

A Nazareth, pour la lecture dans la synagogue le sabbat suivant, il savait ce qu’il lirait. Foin de la Torah elle-même. Il ne demanderait pas à Moïse son avis : il irait directement aux prophètes, et ce serait un bref passage d’Isaïe qu’il choisirait, bousculant les rites de prise de la parole du sabbat : « Le souffle du Seigneur viendra sur moi, pour ce pour quoi il m’a oint, annoncer aux écrasés la bonne nouvelle du soulagement de tout ce qui les écrase ; il a fait de moi son envoyé plénipotentiaire pour proclamer aux enchaînés la délivrance de leurs chaînes et aux aveugles le recouvrement de la lumière, pour remettre leur dette à ceux que les travaux forcés ont brisé, proclamer que l’année du Seigneur devait être décrétée. » Il a levé les yeux sur l’assemblée ; on le regardait fixement les yeux déjà pleins d’un regard mauvais. Pourquoi n’avait-il pas lu dans la Loi la promesse de la délivrance de l’Egypte comme le rituel l’exige ? Comment osait-il se faire l’égal d’un prophète ?  

Décidément, il n’avait pas à hésiter, il fallait qu’il aille au bout de son propos : « Ce que je viens de vous lire de l’écriture s’est réalisé en plénitude aujourd’hui. » Nouvelle stupeur de l’assemblée ! Pour qui se prend-il ce pas-même-fils-de-Joseph ? Comment peut-il se permettre de tenir des propos aussi gratuits, se faire maintenant l’égal d’un Messie ? Jésus entendait ce qui se disait à voix indignées : « Serait-il vrai qu’il ne serait pas le fils au Joseph l’énergumène ? » 

Nouvelle stupeur de l’assemblée ! Pour qui se prend-il ce pas-même-fils-de-Joseph ?

Il lui fallait encore aller plus loin, provoquer sa propre exclusion de la synagogue, de toutes les synagogues. « Vous me direz : Médecin, guéris-toi toi-même. Il paraît qu’à Capharnaüm tu as expulsé un démon du corps d’un homme ? Expulse de ton corps celui qui le possède ! » « Désolé, a pensé Jésus, je ne vous ferai pas ce plaisir. Continuez à attendre de celui que vous appelez « Seigneur, notre Dieu » qu’il vous délivre de votre esclavage. Mais n’oubliez pas que ce « Seigneur, votre dieu », quand il y a eu en Israël une grande famine, il n’a pas envoyé son prophète vers les veuves « de son peuple », il l’a envoyé vers une veuve du territoire de Sidon, chez vos cousins abhorrés de Phénicie ! Et ce n’est pas un lépreux israélite qu’Elisée a guéri, mais un Syrien ! Un vrai prophète ignore de quel dieu il est le prophète ! Il n’est pas le prophète de son peuple ! »

Il lui fallait encore aller plus loin, provoquer sa propre exclusion de la synagogue, de toutes les synagogues.

Des hommes se sont levés, se sont emparés de lui, l’ont poussé hors de la synagogue en direction d’un coteau d’où ils voulaient le précipiter pour ensuite couvrir son corps d’un amas de pierre : il s’est retourné d’un mouvement impérieux vers ceux qui le poussaient, les a regardés de telle sorte qu’ils se sont écartés, tranquillement il a traversé tout le groupe, a poursuivi son chemin jusqu’à Capharnaüm et jusqu’aux rives du lac de Tibériade. 

Un vrai prophète ignore de quel dieu il est le prophète ! Il n’est pas le prophète de son peuple !

Jésus Thérapeute : l’épisode de Marie de Magdala

Il allait, exerçant sa fonction de thérapeute, le long de la côte, de Bethsaïde à Tibériade. Imaginons encore une fois ! A Magdala, il avait rencontré une jeune femme qui courait nue dans la rue du village, apparemment tenaillée par une meute de démons ; il connaissait son nom. Il l’a interpellée : « Marie ! Au lieu de courir comme une écervelée et de cravacher ce qui te démange, accompagne-moi, oui ! comme tu es, jusque chez toi ; nous avons faim ; nous aiderons ta mère à préparer de quoi atténuer notre faim, même si rien ne pourra jamais l’apaiser. » A Magdala, Jésus reviendrait de temps en temps, faire le point sur sa faim auprès de Marie guérie, que le contact d’un tissu sur sa peau ne dérangeait plus.

Peu importe ce qui s’est passé exactement avec Marie de Magdala, le village au sud de Capharnaüm. Ce qui est certain, c’est que Marie était l’une des deux femmes qui, sur le Golgotha, au moment de la crucifixion, faisait partie du groupe des « connaissances » de Jésus, des habitants de Jérusalem, probablement ; les hommes venus de Galilée, dès l’arrestation du maître avaient dû disparaître discrètement du mont des Oliviers, se disperser et fuir, dans la nuit. Avec l’autre femme, Jeanne, l’épouse de l’intendant d’Hérode, et tout le groupe, dont faisaient probablement partie Silas et Joseph d’Arimathée, Marie de Magdala a assisté de loin à l’exposition sur la croix, à la mort ; les deux femmes étaient encore là quand Joseph, ayant obtenu de Pilate que le cadavre ne soit pas jeté dans un ravin du Cédron, ne pouvant exécuter sur lui les rites funéraires avant le coucher du soleil, l’avait fait envelopper dans un drap – qui n’a pas été taché de sang puisque Jésus a été attaché à la croix et non cloué –  et placé dans une cavité creusée dans la falaise. Marie et Jeanne avaient repéré précisément l’endroit. Elles reviendraient le lendemain du sabbat avec des aromates. Si Marie se trouvait là, à ce moment-là, seule femme de Galilée – il est probable que, en ces journées de pâque, Jeanne, l’épouse de l’intendant d’Hérode avait suivi son époux à Jérusalem – c’est qu’en effet, elle s’était attachée d’un lien indéfectible à Jésus. 

Ce qui est certain, c’est que Marie de Magdala était l’une des deux femmes qui, sur le Golgotha, au moment de la crucifixion, faisait partie du groupe des « connaissances » de Jésus.

La femme dans les sociétés antiques

Dans la presque totalité des sociétés antiques, le rapport de l’homme – du mâle – à la femme était un rapport de domination. Perçue comme future épouse d’un homme libre et mère potentielle de ses enfants, jeune fille, puis épouse, puis mère, elle était objet de respect de l’ensemble des membres de son groupe d’appartenance et de la société, un respect qui signifiait qu’on la « tenait en respect » : un comportement réservé lui était une obligation. Elle ne se produisait pas en public. Elle était la flamme toujours allumée du foyer, auquel elle était fixée.

La femme mariée et mère était objet de respect, ce qui signifiait qu’on la “tenait en respect”. 

Si elle n’était ni épouse ni mère, la femme était un jouet du bon ou mauvais vouloir, des désirs, des mâles. En Grèce, seuls les adeptes de la sagesse cynique considéraient la femme à l’égal de l’homme conformément au modèle qu’a offert la relation entre Cratès et Hipparchie, dont il existe une très belle anecdote, laissant entendre de quelle façon elle a « mouché » un philosophe qui voulait l’exclure du banquet auquel Cratès avait été invité5. Il n’est pas impossible que Jésus ait été inspiré par l’éthique cynique sur ce plan, pardon pour la formule, du traitement de la femme. Y a contribué, probablement, son propre statut de bâtard, rejeté en touche par la notabilité. Grâce à ce statut de marginal, d’objet du dédain des gens bien en place, des bien-pensants, des bien-disants, et en même temps, grâce à cette tranquillité d’âme qui lui permettait de se moquer des moqueurs et, partout où il paraissait, de porter sur ceux et celles qu’il rencontrait un regard bienveillant et accueillant, il forçait l’entrée de son exclusion au milieu de tous les establishments et, avec elle, celle de tous les exclus qu’il entraînait dans sa compagnie. C’est ainsi, peut-on supposer, qu’il avait guéri Marie de Magdala de son malaise dans son rapport à son corps de femme, de le savoir si insupportable objet de désir qu’il lui fallait le vilipender. En sa présence, Marie ne se savait plus objet de désir du mâle.

MCS : Marie de Magdala, et le paralytique que nous allons bientôt rencontrer, et tous les possédés, auraient pu être un sujet d’étude de Freud...

Un peuple pillé et opprimé 

AS : Peu à peu, là où il passait, des hommes et des femmes se rassemblaient ; dans toute la Palestine, il constatait la détresse immense du peuple laborieux écrasé doublement par les taxes, celles que l’on devait payer pour l’entretien des cohanim, des sacrificateurs, des légistes, spécialistes de la loi, des lévites, toutes catégories qui n’avaient pas le droit de se souiller les mains en travaillant, et celles que l’on devait payer à l’occupant romain. Le bâtard, puisque ses grands-parents appartenaient à la caste, en raison de sa position en marge du système, avait eu le temps d’observer de quelle façon quelques familles de l’aristocratie sacerdotale s’étaient emparées des commandes qui leur permettaient à la fois :

  • d’orchestrer, deux fois par jour, les cérémonies sacrificielles censées apaiser la colère divine en raison des manquements à la Loi d’Alliance et d’entretenir parmi le peuple la crainte de la colère de « Seigneur, notre Dieu » ; les animaux sacrifiés leur procuraient le principal de leurs revenus, puisqu’elles étaient détentrices des pâturages qui les engraissaient ,
  • de canaliser le versement de la dîme vers le trésor du temple, 
  • de canaliser le versement des taxes dues à la maison de l’empereur, augmentées des sommes dont ils se rétribuaient pour payer la gestion de leur collecte, 
  • d’entretenir leurs propres gardiens de l’ordre, dont elles se servaient, pour secrètement piller à leur profit les troncs des offrandes aux prêtres pauvres, commettre des exactions dans la population, y semer la terreur par des meurtres commandités contre tous ceux qui osaient protester ou même des assassinats purement arbitraires. 

MCS : Eh bien... On s’étonne moins de l’urgence que voyait Jésus de Nazareth à libérer le peuple de l’observance d’un tel système...

Tout pouvoir vit de la ponction des richesses produites6”, écrivez-vous dans De Jésus de Nazareth à Jésus Christ. Une économie est doublée d’une organisation politique qu’en général soutient un système politique qui lui “donne sa solidité” dites-vous encore. Et l’assertion selon laquelle “ la politique n’est pas un simple reflet des forces économiques mais est un mode d’exploitation et de répartition des richesses”7 n’a décidément pas pris une ride aujourd’hui.

AS : En effet ! Dès son enfance, au cours de ses années d’éducation, de celles des débuts de sa vie d’adulte Jésus avait pu, à l’appui des explications que lui donnait son grand-père, suivre de quelle façon le Grand Prêtre Hanan ben Seth8 avait procédé afin d’obtenir pour sa famille, avec la complicité de quelques rares familles alliées, le pouvoir sur toute la Judée et par voie de conséquence sur les adeptes de la Loi de Moïse partout où ils se trouvaient. Dès le premier moment où Auguste avait décidé de nommer un préfet romain pour gouverner la Judée à la place de la dynastie régnante des Hérodiens, Hanan avait manœuvré pour, littéralement, « torpiller », c’est-à-dire, paralyser le pouvoir des préfets romains, pourtant à la fois chefs de l’armée, juges, garants de la paix civile, jusqu’à réussir à imposer son gendre, Joseph, surnommé Caïphe, « la pierre creuse », « le réceptacle de l’eau de la Loi », grand connaisseur de la Torah, pour la fonction de grand prêtre qu’il exercerait pendant dix-huit ans (de 18 jusqu’au moment, probablement, où Caligula est devenu empereur, au début de l’année 37). Au cours de ces années, sous la surveillance implacable d’un homme sans pitié, son beau-père, Caïphe a perfectionné l’usage retors de la Torah : ainsi réussira-t-il à faire tomber Jésus dans le piège, que celui-ci a dû découvrir au moment où il en avait enclenché la bascule : il était trop tard ; son adversaire n’avait plus besoin ni de prononcer le mot qui le condamnait à mort, ni même la sentence. Mais n’allons pas trop vite vers sa fin.

Caïphe a perfectionné l’usage retors de la Torah : ainsi réussira-t-il à faire tomber Jésus dans le piège qui le mènera sur la croix, un piège que celui-ci a dû découvrir au moment où la bascule était enclenchée : il était alors trop tard.

Pourquoi venait-on écouter Jésus de Nazareth ? Parce qu’il prononçait des propos lénifiants et consolateurs ? Non ! Parce qu’il rendait probante la miséricorde divine et son action prochaine ? Non ! « On vous écrase ? Ne courbez pas l’échine ! Ne soyez pas les uns pour les autres des rivaux ! Ne lorgnez pas vers les voisins d’un œil envieux ! Coopérez ! Soyez solidaires ! » Tel était le nerf de sa parole. 

Sur les bords du lac, du printemps à l’automne de l’année 29, celle au cours de laquelle Hérode a fait assassiner Jean le baptiseur dans la forteresse de Machæronte, il a attiré l’attention sur lui grâce à ce que beaucoup ont pris pour des prodiges, dont, aux yeux de son entourage proche, il n’a pas manqué de se moquer.  

« On vous écrase ? Ne courbez pas l’échine ! Ne soyez pas les uns pour les autres des rivaux ! Ne lorgnez pas vers les voisins d’un œil envieux ! Coopérez ! Soyez solidaires ! » Tel était le nerf de sa parole.

Une pêche inattendue (mais pas miraculeuse)

Une fin de matinée, Jésus de Nazareth s’est trouvé à l’endroit de la plage de Génésareth où les pêcheurs venaient accoster. Deux barques étaient là, près desquelles les patrons avec leurs aides lavaient leurs filets presque vides ce jour-là. Autour de Jésus, la foule assez nombreuse embarrassait ses mouvements, le pressait de trop près pour qu’il puisse lui adresser dans de bonnes conditions ne serait-ce qu’une boutade. Jésus connaissait les propriétaires des barques. A Simon, l’un d’eux, qui laissait paraître sa mauvaise humeur, il a demandé, tandis qu’il montait dans sa barque : « Monte, toi aussi ; éloigne un peu la barque du bord de l’eau, juste à la distance qui permettra que je sois entendu des badauds sur la plage. » Que leur a-t-il dit ? Cela ne nous a pas été rapporté. Quand il a fini de parler, il a invité Simon à s’éloigner vers le large pour y plonger son filet. « Patron ! lui dit Simon, j’ai pêché toute la matinée, je n’ai rien pris, je suis fourbu. Mais enfin, par respect de ta parole, pour que tu n’aies pas parlé pour ne rien dire, je vais jeter mon filet ! » Le filet fut bientôt rempli. Des dénommés Jacques et Jean avaient suivi dans la seconde barque. Ils avaient eux aussi jeté leur filet, qui s’était également rempli. « Tout seul, je n’y arriverai pas, dit Simon à Jésus. Prends cette rame et aide-moi ! » Arrivé sur la plage, Simon s’est jeté, dans la barque, aux genoux de Jésus, et lui a dit : « Monsieur ! » et encore « Rabbi ! » et encore « Seigneur ! » « Eloigne-toi de moi, je ne suis qu’un mécréant et un usager de la gaffe ! »9 Jésus est descendu de la barque ; en s’éloignant, il s’est dirigé du côté de Jacques et de Jean qui avaient tiré leur barque sur le bord. En passant, il leur dit : « Vous n’allez tout de même pas vous contenter de pêcher des poissons ! Venez, suivez-moi ! Je ferai de vous des pêcheurs d’êtres humains ! » Jacques et Jean l’ont compris : le suivre signifiait laisser là les poissons, gratuitement à la disposition des clients venus sur la plage (on ne fait pas payer ce qui a été obtenu par une faveur, par kharis, par « grâce » disaient les Grecs, une notion absente de l’araméen ou de l’hébreu) ; eux-mêmes entraîneraient avec eux Simon, qui se familiariserait avec Jésus et se guérirait, en sa compagnie, de ses superstitions. Il était important que ces braves pêcheurs comprennent que le rabbi n’avait pas le pouvoir d’attirer à lui les poissons, que la réussite de la pêche tenait au hasard, ou à un savoir de Jésus qui, au cours de ses déplacements en barque entre Bethsaïde et Capharnaüm avait remarqué que vers l’heure de la mi-journée, les poissons se rassemblaient en ban à tel endroit du lac.

 C’est Simon lui-même sans doute qui a raconté cette anecdote ; il l’a fait en se moquant de lui-même et de sa superstition. 

Il était important que ces braves pêcheurs comprennent que le rabbi n’avait pas le pouvoir d’attirer à lui les poissons, que la réussite de la pêche tenait au hasard, ou à un savoir de Jésus qui (...) avait remarqué l’heure où les poissons se rassemblaient en ban à tel endroit du lac.

Un paralysé de la Loi

Il vaut la peine de s’arrêter sur un autre épisode de cette période-là, suggérant plus clairement encore un prodige, et qu’il importe donc de nettoyer de ce genre de farine.

Etant donné la nouveauté et les audaces de son propos, Jésus, une fois donc, a été invité, pour répondre à des questions, par un sage, un pharisien peut-être, devant un groupe d’hommes que son hôte avait rassemblés dans sa maison, notamment des connaisseurs de la loi de Moïse. Jésus a été arrêté au beau milieu d’une réponse, par un bruit venu du plafond, une terrasse servant de toit, des dalles que l’on soulève, et bientôt l’apparition d’une civière sur laquelle un homme – ce ne pouvait évidemment pas être une femme – était étendu. Aux quatre extrémités de la civière glissait une corde. Bientôt la civière touche le sol devant un Jésus qui avait dû se reculer, cédant sa place au milieu de l’assemblée à un paralytique. « Ben, mon bonhomme ! lui dit Jésus à voix haute, pour être entendu de tous, on a laissé filer tes manquements à la loi ! » (ou « tes péchés te sont remis ! ») Ce disant, il a décrit précisément ce qui venait de se passer : quatre hommes ont laissé aller une civière sur laquelle était étendu un paralytique, c’est-à-dire un homme payant par cette infirmité ses manquements à la Loi ... 

MCS : L’infirmité était donc considérée comme une punition pour un manquement à la loi de YHWH ?

AS : Oui. Comme la Loi est considérée comme Loi d’Alliance de Dieu avec son peuple. N’en pas respecter un ou plusieurs commandements, c’est manquer à Dieu lui-même, qui est assez bon pour avertir le pécheur en le mettant en garde, par l’infirmité, devant ce qu’il risque de bien plus grave. Jésus avait bien compris que la paralysie de notre homme – il devait le connaître par ailleurs – n’était pas l’effet d’une punition divine ; l’homme était littéralement paralysé par sa peur de commettre le moindre manquement à la Loi.

La paralysie de notre homme n’était pas l’effet d’une punition divine : il était littéralement paralysé par sa peur de commettre le moindre manquement à la Loi.

Des spécialistes dans la salle s’exclament : « C’est quoi cet individu qui blasphème : seul Dieu peut remettre les péchés ! » Evidemment, puisque ne pas respecter un commandement de la loi, c’est transgresser une demande de Dieu lui-même. Or c’est ce mécanisme de la Loi, son statut de Loi d’Alliance de « Kurios (mis pour YHWH), notre Dieu, avec son peuple » (le peuple qu’il se serait choisi pour être son témoin parmi toutes les Nations), que Jésus a décidé de contester radicalement et de dénoncer. En prononçant sa boutade, il savait exactement la réaction qu’il provoquerait de la part des experts de la loi. Et il savait quelle réponse il leur donnerait : « Qu’est-il le plus facile de dire à un homme : « Tes péchés te sont remis » ou bien… », il se tourne alors vers l’homme étendu sur la civière et lui dit : « Lève-toi, prends ta civière et retourne chez toi ! » « L’homme aussitôt s’est levé, s’est chargé de sa civière et est retourné chez lui. » Et c’est, ce jour-là, ce qui a rendu gloire à Dieu » (et non la loi de Moïse). Entendons : ce qui a rendu gloire à Dieu, ce n’est pas un prodige, c’est l’ironisation de la Loi de Moïse : il suffit de plaisanter à son propos pour en défaire le prestige.  Jésus a eu l’audace de commettre un véritable sacrilège en s’attribuant la capacité de remettre la dette des manquements à la loi de Dieu ; il ne lui est rien arrivé, il n'a pas subi les foudres du ciel ; cela pouvait suffire pour secouer le paralytique de sa torpeur.

C’est cette idée de loi d’alliance qu’il va poursuivre de ses coups de boutoir, en actes commentés de paroles qui ne laissent aucun doute sur le sens de ce qu’il fait ou de ce que fait un personnage de rencontre. 

C’est ce mécanisme de la Loi, son statut de Loi d’Alliance de Dieu, avec ce peuple qu’il se serait choisi pour être son témoin parmi toutes les Nations, que Jésus a décidé de contester radicalement et de dénoncer.

Leçon d’hospitalité d’une courtisane

Ainsi de cette femme, que je suppose appartenir à la catégorie des courtisanes (danseuses, musiciennes se produisant dans les banquets).  Je vais en parler en détail parce que, pour cet entretien, j’ai relu le texte en grec et j’ai enfin résolu une bizarrerie que je ne parvenais pas à éliminer, parce que le texte de la traduction de Silas avait été modifié par une pieuse main « christienne » au moment de l’écriture de l’Evangile dit « de Luc ». 

Un pharisien insistait pour que Jésus mange avec lui. Et donc ce dernier une fois a cédé : le pharisien voulait sans doute lui montrer que, pour recevoir un hôte, il avait adopté la coutume gréco-romaine ; on mangeait, chez lui, étendu sur un lit. « Entrant dans la maison du Pharisien, Jésus s’est étendu (sur un lit) ». Il y avait dans la « ville », dans le bourg, une « pécheresse », disons une femme aux mœurs légères, non pas une prostituée, mais une courtisane, une femme qui n’avait guère le souci de respecter les commandements de « Dieu » (YHWH, en réalité). Elle a sans doute aperçu Jésus entrant dans la maison du pharisien ; elle y pénètre après lui, au cours du repas ; elle avait avec elle une fiole de parfum. Elle exécute sur Jésus étendu sur un lit les gestes de l’accueil de l’hôte, les gestes de l’hospitalité, de l’agapè, qui ne fait pas partie des coutumes du pharisien, ce que la courtisane, évidemment, savait. Elle lui lave les pieds, comme cela doit se faire lorsqu’on accueille un hôte ; pour cela, elle les mouille de ses pleurs, puis elle les essuie avec ses cheveux, puis elle verse sur les pieds un parfum, qu’elle répand avec ses lèvres, en les baisant. 

« Ce que voyant, le Pharisien dit entre eux, (à voix basse, en aparté pour lui-même et pour Jésus, faisant en sorte qu’il ne soit pas entendu de la femme) : « Eh toi ! Si tu étais un prophète, tu reconnaîtrais qui et de quelle espèce est cette femme qui te touche, une pute ! » (Le contexte m’autorise à traduire par ce mot ce que l’on traduit communément par « pécheresse ».) Jésus de lui répondre : « Simon, à ça, j’ai de quoi te dire… » L’autre : « Eh bien ! Instruis-moi ! » « Ceci : ‘Un créancier avait deux débiteurs ; l’un avait une dette de cinq cents deniers, l’autre de cinquante. Comme ni l’un ni l’autre ne pouvait la lui rembourser, il leur en fit grâce. Lequel des deux l’accueillera le mieux et prendra le mieux soin de lui10 ? » « Je suppose, celui à qui il a fait grâce de la dette la plus importante. » « Tu as bien jugé ! » Et, tourné vers la femme, Jésus dit à Simon : « Tu vois cette femme : je suis entré dans ta maison, tu n’as pas versé de l’eau sur mes pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes, qu’elle a essuyées avec ses cheveux ; depuis qu’elle est entrée, elle n’a cessé de me baiser les pieds ; tu n’as pas versé d’huile sur ma tête, elle m’a versé du parfum sur les pieds. » Il dit à la femme : « Ta force repose tout entière sur un pacte de confiance. Sois tranquille (sois en paix) :  continue à te procurer tes ressources (de la même façon) ! » « Aura la plus grande capacité d’accueil celui à qui est remis la dette la plus importante » a jugé Simon. La capacité d’accueil de la femme est telle qu’elle s’y investit totalement, corps et âme, dirions-nous. Cela signifie que sa relation à Dieu repose sur un pacte de confiance, et qu’elle peut se moquer des qu’en-dira-t-on aussi bien que du respect de la Loi de Moïse. Le péché n’a pas de prise sur elle. Elle n’a pas de dette à payer à Dieu, aucun être humain n’a de dette à payer à Dieu. 

La parabole dite « du bon Samaritain »

Jésus a mené sa lutte également en usant de paraboles. Il suffira que nous en rappelions une seule, la parabole dite « du bon Samaritain », parce qu’elle est apparemment d’une telle simplicité que l’on se croit quitte avec elle d’une interprétation simpliste, voire simplète. 

Jésus a déjà laissé entendre son intention d’aller à Jérusalem, où il serait pour la prochaine pâque, en vue d’un pèlerinage à sa façon. Alors qu’il est encore en Galilée – il préparera sa marche sur Jérusalem depuis son domaine de Bethsaïde – un légiste, qui avait compris qu’il proposait une autre forme de socialité que celle que proposaient la caste sacerdotale dominante en Judée ou d’autres cultures, romaine, grecque, etc., s’approche de lui pour lui demander : « Maître (enseignant) ! Que dois-je faire pour obtenir, lors du partage, un lot qui dure toute la vie ? ». « Comment se fait-il qu’un légiste, qui connaît bien la réponse, me pose cette question ? » pense Jésus en lui-même. « S’il pense me piéger, le plus simple est de lui retourner le piège. » D’où la question qu’il pose à voix haute : « Que dit la loi ? Comment la lis-tu ? » De bon gré ou de mauvais gré, le légiste s’exécute et fait la lecture conventionnelle de la loi : « Tu aimeras Kurios (entendre : YHWH) ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force… », et il ajoute, « ton prochain comme toi-même ». « Tu as droitement répondu, lui dit Jésus. Fais cela et tu vivras ». Il n’est pas interdit de penser que l’approbation de Jésus était ironique. « Allons ! Aime ton prochain ! Tu verras bien ce que cela te rapportera ! » Toujours est-il que le légiste n’est pas satisfait ; sur la demande que formule la loi, d’aimer Dieu de tout son cœur, c’est le point de vue de Jésus qu’il aurait voulu connaître. Il voulait soumettre son interlocuteur à une épreuve, nous est-il dit : il se trouve lui-même « le bec dans l’eau ». Il lui faut relancer la discussion. « (Certes) la loi demande d’aimer son prochain), mais qui est mon prochain ? » Cette fois, Jésus ne pourra pas lui échapper, et il faudra bien qu’il dise que le proche d’un Judéen, c’est un Judéen, d’un Athénien, c’est un Athénien, etc. Jésus répond par une parabole, dans laquelle il met en scène le comportement d’un prêtre et d’un lévite, de deux adeptes de la Loi de Moïse à qui elle interdit de se souiller par un contact, par exemple avec cet homme en sang, là, sur leur chemin. Et donc, conformément à la demande de la loi, ils s’en écartent.  Survient un Samaritain, dont l’éthique relève également de la Torah, les seuls livres qui font autorité pour les Samaritains. Il s’approche du blessé, et prend intégralement soin de lui. « Lequel de ces trois, à ton avis, (gegonenai plēsion : proche) de celui qui est tombé aux mains des brigands ? », demande Jésus en guise de conclusion.

Qu’est-ce que le “prochain” ?

Une explication technique est ici nécessaire : ce qui se lit gegonenai est une forme d’un infinitif parfait. Or le parfait grec, à la différence du parfait latin, par exemple, a conservé à travers le temps une antique valeur des langues indo-européennes ; il n’a pas une incidence sur l’expression du temps, mais sur l’action exprimée par le verbe ; il a une valeur intensive et implique ici, non l’idée simple de « devenir » (sens du verbe), mais de « faire en sorte que quelque chose devienne » ; il exprime un redoublement de l’action, « je me fais devenir… ». Jésus ne demande donc pas « Lequel des trois est devenu proche / le prochain de celui qui est tombé aux mains des brigands C, mais « lequel s’est fait devenir / s’est rendu proche » du blessé. Du coup, il a répondu à la question du légiste en la détournant : « Un prochain / un proche, ça n’existe pas ». Il faut le faire exister ; on se rend quelqu’un proche en agissant et non en se contentant de l’aimer (affectueusement). En outre, la question finale de Jésus – auteur de la parabole – oblige le légiste et l’auditeur / lecteur de la parabole à remonter jusqu’à la première question et la réponse que le légiste lui-même lui a donnée : aura la vie celui qui aime Dieu de toute sa force et son prochain comme lui-même. Comment « aimer » un prochain qui n’existe pas tout fait, donné à l’avance ?   Et ce Dieu qu’il faut aimer de toute sa force, est-il bien possible de se le rendre proche ? Est-ce bien lui qui réclame d’être aimé ? Au terme de la parabole, l’auditeur est invité, comme le légiste, non pas à « aimer », mais à « façonner la pitié » (poiein to eleos). Façonner la pitié, c’est sans doute autre chose que de s’apitoyer, et d’aimer ses concitoyens ou Dieu comme on aime de la confiture ! 

MCS : Vous avez une très belle page sur le prochain dans De Jésus de Nazareth :

 « (...) faire devenir proche, cela se fait en s’approchant ; cette approche dénie un premier mouvement, spontané, d’éloignement par méfiance et dégoût ; elle inverse la direction que l’on donnerait spontanément à sa trajectoire vitale, elle se fait accueil de l’autre, ce qui permet ensuite de prendre celui ou celle dont on s’est approché sous sa protection et d’en prendre soin. Le samaritain “n’aime pas” à proprement parler son prochain ; il a fait devenir un autre proche ; son action a fait d’un être humain en général, de quelque groupe d’appartenance qu’il soit, un proche. »11

Un « prochain », ça n’existe pas. Il faut le faire exister ; on se rend quelqu’un proche en agissant et non en se contentant de l’aimer (affectueusement).

La femme adultère

A un moment donné, au cœur de l’hiver 29-30, sans doute, retiré en son domaine de Bethsaïde, Jésus de Nazareth a organisé une forme d’expédition (« il a tourné le front de sa troupe dans la direction de Jérusalem ») ; il a rassemblé autour de lui une équipe composée d’hommes et de femmes (Marie de Magdala, Jeanne épouse de Souza, intendant d’Hérode, Suzanne et d’autres), il a énoncé une règle de conduite – toutes les nourritures seraient mises en commun et les repas partagés - ; la petite troupe a quitté le domaine à un moment où il lui serait possible d’arriver à Jérusalem quelques jours avant pâque, qui tombait cette année-là (en 30) un jour de sabbat. On est d’abord passé par la Galilée, afin de s’adjoindre quelques soutiens ; il semble qu’il n’a pas été possible de traverser le territoire de Samarie pour aller à Jérusalem en pèlerinage pascal ; il a donc fallu passer par la Décapole, traverser le Jourdain et en suivre la rive gauche jusqu’à la hauteur de Jéricho, d’où monter vers Jérusalem. A Jérusalem, la petite troupe passait les nuits sur le mont des Oliviers, dès l’aube Jésus rejoignait l’esplanade du temple, pour débattre. 

Dès le début du second jour, des gardes du temple ont conduit jusqu’à Jésus dans la cour des « Gentils » une femme suivie de spécialistes de la loi ; ils ont provoqué un rassemblement autour de la femme, surprise en flagrant délit d’adultère, et du rabbi galiléen à qui ils demandent comment il statuerait sur le cas de la femme. La scène est connue ; on sait qu’au lieu de répondre, Jésus, d’abord s’est baissé vers le sol, de son doigt a écrit dans la poussière, supposons, l’article de la loi qui condamne l’adultère à la lapidation. Les accusateurs ont insisté ; Jésus s’est relevé et il a invité, parmi eux, celui qui n’avait jamais enfreint la loi à jeter la première pierre. Puis il s’est incliné de nouveau vers le sol et a continué à écrire. Silencieusement, tous les accusateurs se sont retirés un à un, du plus vieux au plus jeune. Evidemment, Jésus surveillait du coin de l’œil ce qui se passait. Quand il a constaté que tous étaient partis, il s’est relevé. 

Silencieusement, tous les accusateurs se retirent un à un, du plus vieux au plus jeune. 

Il est seul avec la femme, comme au milieu d’un tribunal populaire devant lequel il doit prononcer un verdict, qui fera jurisprudence. Sa sentence, il nous faut la lire dans le texte de la première édition des quatre Evangiles canoniques, datant des années 100-110, probablement établie sous la conduite éditoriale de celui que l’on connaît sous le nom d’Ignace d’Antioche. Ce texte n’est attesté que dans un seul codex, actuellement à Cambridge, où il a été apporté par Théodore de Bèze depuis Lyon. Si les éditions de la vulgate12 l’ont modifié, c’est parce que, aux oreilles pieuses, connaissant bien la langue grecque, la sentence de Jésus était purement et simplement scandaleuse étant donné le traitement qu’elle impliquait de la loi de Moïse : « Femme, où sont-ils passé ? Ils ne t’ont pas condamné ? Eh bien, moi non plus, je ne te condamnerai pas. (Fais comme eux) Retire-toi en douce, et, à l’avenir, ‘ne commets plus de faute’ / ‘ne commets plus d’erreur’ / ‘ne te fais plus prendre’ ! »  Les spécialistes de la loi, étant donné que le commun des juifs ne peut pas la lire, en usent comme bon leur semble avec elle ; ceux qui ont conduit la femme sur l’esplanade étaient en infraction avec la loi, qui condamne à la lapidation non seulement la femme, mais l‘homme également. 

Femme, fais comme eux, retire-toi en douce et, à l’avenir, ne te fais plus prendre !

Pour échapper à leur arbitraire, il n’est qu’une façon de procéder, commettre des infractions sans se laisser prendre. Et « le Seigneur (YHWH), notre Dieu » dans tout cela ? On pourrait le craindre, en effet, s’il était donateur de La Loi ! Or toute loi est d’origine humaine, et il arrive souvent qu’elle ne soit qu’un instrument d’asservissement de tout un peuple. 

Toute loi est d’origine humaine, et il arrive souvent qu’elle ne soit qu’un instrument d’asservissement de tout un peuple. 

La condamnation à mort

Les jours qui ont précédé pâque de l’année 30, quand Jésus a répondu, aux envoyés de l’autorité sacerdotale du temple, aux grands prêtres et à leurs alliés, que, puisque la monnaie courante en Judée portait l’effigie de l’empereur, il fallait « rendre à César ce qui appartient à César… et à Dieu ce qui appartient à Dieu », ceux-ci ont compris où il voulait en venir : mettre un terme à leur parasitisme. Il leur fallait donc, non seulement s’emparer de Jésus, mais aussi éradiquer toute tentative de rébellion contre leur pouvoir en le faisant disparaître. Il y a eu des conciliabules parmi eux ; le résultat, c’est Jean l’évangéliste qui nous le fait connaître, lui qui avait ses entrées dans le palais Hanan et fréquentait le milieu des familles sacerdotales les plus influentes : « C’est Caïphe, le grand prêtre cette année-là, qui a conduit les autorités Judéennes à trouver bon le conseil (suivant) : « Ce qui est (vraiment) avantageux, c’est qu’un seul homme meure pour la défense du laos » (pour la défense de l’ensemble des habitants de Jérusalem et de la Judée). « Si l’on veut conserver notre autorité sur l’ensemble des Judéens, a laissé entendre Caïphe, il suffit de faire périr un seul homme ». Il n’était pas besoin de le nommer. Caïphe a fixé l’objectif : il ne suffisait pas de neutraliser Jésus avant les préparatifs de la pâque, la veille du sabbat, il fallait le faire disparaître, le condamner à mort légalement, en apparence du moins. Quand Jésus a été arrêté sur le mont des Oliviers le jeudi, au début de la nuit, il était, dans les faits, déjà condamné à mort.

Quand Jésus a dit qu’il fallait « rendre à César ce qui appartient à César… et à Dieu ce qui appartient à Dieu », ceux-ci ont compris où il voulait en venir : mettre un terme à leur parasitisme.

C’est devenu une opinion commune parmi les exégètes, chrétiens ou juifs, que Jésus de Nazareth, ayant été exposé sur une croix par les Romains, a été condamné à mort par Pilate en tant que « roi des Juifs » (messie), et donc en rébellion contre le pouvoir romain. Or c’est une tout autre explication que le récit traduit par Silas en grec standard permet de donner (notamment, Luc, 22, 66 à la fin).

Jésus est donc arrêté par des gardes du temple accompagnés d’un grand prêtre au début de la nuit du cinquième jour de la semaine juive (jeudi). Il est conduit dans le palais de Hanan, où on lui fait subir quelques sévices ; il s’agit surtout de l’empêcher de dormir pour l’épuiser de fatigue. Au cours de la nuit, on convoque les membres du tribunal chargé de juger les cas de trahison ; ce « petit sanhédrin » compte 23 membres, 11 Sadducéens (membres de la caste sacerdotale au pouvoir), 11 pharisiens, dont probablement Joseph d’Arimathée, grâce à qui nous pouvons savoir ce qui s’est passé lors de la séance du tribunal. Au lever du soleil, le tribunal est réuni. Il n’est pas difficile de conduire Jésus devant lui, puisque la salle où se tiennent ses séances jouxte le palais Hanan. Silas ne nous donne que l’enchaînement des échanges à la fin de l’interrogatoire. De guerre lasse, peut-être, le président de la séance, le grand prêtre au nom de tout le groupe des Sadducéens, interroge : « Si c’est toi, le Christ (Messie), dis-le-nous. » Ou bien : « C’est bien toi, le Messie ? »  Or le grand prêtre savait, à n’en pas douter, que la question n’était pas pertinente : Jésus avait clairement fait savoir que, sous le règne de Dieu, on ne se placerait pas sous l’autorité d’un « roi ». Il répond : « Si je vous le dis, en aucun cas vous ne vous fierez (à ma réponse). Et si c’est moi qui vous interroge, en aucun cas vous ne me répondrez. A partir de maintenant, c’est le fils de l’homme (= quiconque) qui sera assis à la droite de la puissance de Dieu (qui sera juge). » Ils s’exclamèrent (les Sadducéens) : « Le fils de Dieu, c’est donc toi ! » Il leur dit : « C’est vous qui concluez ce que (legete ho ti) je suis ». Or, soit en araméen, soit même en grec, la réponse pouvait être entendue : « C’est vous qui l’expliquez : ‘Je Suis’ ».  Et c’est ce que le grand prêtre et ses acolytes ont bien voulu entendre : « Qu’avons-nous encore besoin d’un témoignage ? Car nous-mêmes nous l’avons entendu de sa bouche ! » Et toute leur majorité (11 + 1) se lève d’un seul bloc, pour le conduire devant Pilate… Matériellement, en effet, ils ont entendu de la bouche de Jésus le nom qu’il était interdit de prononcer (« Je Suis ») ; ils n’ont donc pas besoin d’un autre témoignage pour le condamner à mort. De manière parfaitement inique, par la voix du grand prêtre soutenue par sa meute, Jésus a été condamné à mort sans que le motif soit formulé explicitement (le blasphème, celui du nom divin) et sans que la sentence qui en découle ne soit prononcée. S’il avait dû énoncer le motif de la condamnation, le président du tribunal aurait provoqué une protestation, et de Jésus, et des pharisiens présents : « Mais ! Ce n’est pas ce que j’ai / ce qu’il a dit ! » Pour la majorité, le fait de se lever d’un seul bloc pour conduire Jésus vers le préfet équivaut à l’énoncé du verdict et à son immédiate exécution : cela interdisait que le jugement du tribunal soit réexaminé. 

De manière parfaitement inique, par la voix du grand prêtre soutenue par sa meute, Jésus a été condamné à mort sans que le motif soit formulé explicitement (un blasphème) et sans que la sentence qui en découle ne soit prononcée.

Pilate, ensuite, n’a pas cru à l’accusation des autorités du temple : « Il se prétend roi des Judéens et sème partout le trouble, contestant l’autorité romaine ». Ce n’est que sous la contrainte d’un marchandage – s’il libère Jésus plutôt que Barabbas, il peut s’attendre à des mouvements de révolte dans Jérusalem dès le jour même – qu’il « remet » au pouvoir des prêtres et de notables, avec le Nazaréen, une centurie pour l’exécution de leur sentence à eux, les prêtres ; lui-même n’a prononcé aucune condamnation. Mais comme il a fait inscrire, par dérision pour les prêtres, sur le titulus du poteau sur lequel Jésus a été suspendu « Le roi des Juifs, c’est lui », il a favorisé l’interprétation qui sera plus tard celle des évangélistes aussi bien que celle de la malveillance d’un Flavius Josèphe, interprétation selon laquelle Jésus de Nazareth a été condamné à mort parce qu’il se serait prétendu le Messie.

1 Si l’on en croit Luc, elle est la cousine de la femme d’un cohen (prêtre).
2 Le
Barathre (en grec ancienβάραθρον / bárathron) est une fosse, un ravin ou un gouffre d'Athènes, sur le territoire de la tribu des Œnéides. Y étaient précipités les condamnés à mort à l'époque de la Grèce antique.
3 Jésus vient du grec ancien Ἰησοῦς , Iēsoûs, lui-même issu du prénom hébreu ancienישוע , Iéshua (et a la même racine que Josué). Ce mot signifie « Dieu sauve » ou « Dieu délivre »
4 Enseignement de Jésus, p. 33, note 62
5 C’est Diogène Laërce qui rapporte dans
Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, comment Hipparchie, une philosophe cynique compagne du philosophe cynique Cratès, ose mener une vie comparable à celle des hommes. C'est à l'occasion d'un banquet, où les femmes ne sont pas acceptées, que Théodore l'Athée l'apostrophe avec une remarque empreinte de la morale traditionnelle, après avoir fait tomber le manteau qui recouvrait sa nudité : « La voilà donc celle qui a laissé sa navette sur le métier ? ». Elle lui répond : « C'est bien moi, Théodore. C’est moi, Théodore, mais ce faisant, crois-tu donc que j’ai mal fait si j’ai employé à l’étude tout le temps que, de par mon sexe, il me fallait perdre au rouet ? » Voir André Sauge, « Jésus de Nazareth, un rabbin cynique », in Diálogos, publicado 2021-09-23.
6 op.cit.p.164
7 op.cit. P.165
8
Anân ben Seth était un Grand Prêtre du Temple de Jérusalem au début du Ier siècle. Né vers 23/22 av. J.-C., il a exercé cette charge de l’an 6 jusqu’en 15 apr. J.-C. et est probablement mort vers l'année 40. Mais les grands prêtres qui lui ont succédé, ou bien étaient membres de sa famille, ou bien membres d’une famille alliée, et cela jusqu’au moment où a éclaté la révolte de Judée – Galilée (66-70). Il était l’araignée qui tissait sa toile dans l’ombre, occupant une position analogue à celle de l’Ineffable.
9 anēr hamartōlos” on entend par là celui qui est en indélicatesse avec les prescriptions de la loi ; mais le mot grec permet un jeu de mot avec l’idée de “manquer son coup”. Simon avoue sa méprise : il s’est trompé sur le compte de Jésus dont il pensait pouvoir se gausser. In l’enseignement de Jésus, p.25, note 36.
10 agapēsei, dans la langue de la Septante, « l’aimera », en grec standard « accueillir un hôte et lui prodiguer tous les soins qu’on doit lui prodiguer »
11 P. 107
12 C’est-à-dire les codex communément utilisés pour établir le texte des Evangiles.

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